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Héritage au Duceppe

Texte par notre collaboratrice Marika - crédits photos Caroline Laberge pour le Théâtre Jean-Duceppe


Le Théâtre Jean-Duceppe ouvre sa saison 2019-2020 avec une proposition audacieuse : la pièce Héritage (A Raisin in the Sun). C’est une pièce qui continue de marquer l’histoire. En effet, le percutant texte de Lorraine Hansberry, A Raisin in the Sun, faisait ses débuts, il y a 60 ans sur Broadway comme la première pièce écrite et mise en scène par une noire. Aujourd’hui, cette première production francophone de la pièce, est porteuse de plusieurs symboles : première mise en scène d’un anglophone chez Duceppe et aussi, première distribution majoritairement issue de la diversité pour une institution culturelle québécoise. Il serait cependant réducteur, de ne s’attarder que sur ces faits, Mike Payette nous propose ici une démarche artistique qui mérite d’être soulignée et cela doublée d’un jeu d’acteurs qui saura vous couper le souffle, tout particulièrement Frédéric Pierre et Mireille Métellus qui jouent respectivement, le fils aîné du clan Younger (Walter Lee) et la matriarche, Lena. 


La famille Younger, une famille noire et pauvre, s’apprête à recevoir un chèque de 10 000 $, prime de l’assurance-vie après la mort du patriarche : la somme est juste assez coquette pour donner à Lena l’espoir de jours meilleurs dans une maison qui leur appartiendrait enfin, mais pas assez pour soutenir toutes les ambitions des autres membres de la famille (notamment Walter Lee, son fils qui veut ouvrir un petit commerce d’alcool, et sa fille Beneatha, qui veut étudier en médecine). Nous sommes ici à la veille des premières revendications pour les droits civiques, le ségrégationnisme est plus qu’omniprésent et les enjeux d’identité et de mobilité sociale se posent de manière de plus en plus explicite. 


Ces enjeux servent de toile de fond aux différents conflits générationnels et clash de valeurs, aspect central d’Héritage. Par exemple, Lena et Beneatha ne parlent plus tout à fait le même langage. Le pilier de la famille, interprété avec brio par Mireille Métellus (on est loin de la dame qui fait du vaudou dans Jamais deux sans toi!) a l’impression que tout s’écroule autour d’elle et le sentiment d’impuissance l’habite face aux tourments de ses enfants. La dignité est aussi au centre de l’œuvre; celle que les Blancs dénient aux Noirs, mais aussi celle que les riches dénient aux pauvres. Héritage est une pièce à voir par tous, car au-delà des questions de couleurs, c’est un drame humain qui se joue devant nous, un texte qui pousse à la réflexion. D’ailleurs, un balado a été créé et des causeries ont lieu en marge de la pièce. La direction de Jean-Duceppe a su faire confiance à son public et nous les en remercions. 



Héritage est présenté au théâtre Duceppe jusqu’au 5 octobre 2019

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